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Les lamas du parc national du Sajama & l'ascension du Parinacota

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Il existe des coins à l'autre bout du monde qui nous font rêver alors même que nous n'y avons encore jamais mis les pieds.

 

Il existe des coins à l'autre bout du monde dont notre esprit s'empare et que notre imagination s'approprie après avoir regardé un reportage à la télé, avoir vu des photos ou lu un article. 

 

La Bolivie est de ces coins du bout du monde où mon imaginaire m'avait souvent envoyée et j'ai retrouvé au sein même du parc national du Sajama tout ce que mon esprit avait bien voulu me laisser deviner sur ce petit coin du bout du monde. 

 

BEAU.

 

Le parc national du Sajama est beau pour une première & simple raison : il compte parmi ses hauts sommets, parmi ses volcans enneigés le SAJAMA, soit le point culminant de Bolivie.

 

Nous prenons la route au volant de notre troisième compagnon de voyage & nous nous élançons sur une longue ligne droite. Une parmi tant d'autres. De celles qui s'étendent à perte de vue, de celles qui rejoignent l'horizon sans jamais vraiment nous y amener. Carlos, quant à lui, a l'habitude. Il connaît ces longues routes et a déjà dû les parcourir bon nombre de fois, lui, l'éternel Combi voyageur. 

 

Carlos a de quoi apprécier les routes boliviennes. Si le Pérou l'a quelque peu malmené, l'emmenant de 0 à 4000 mètres en une journée et ce plusieurs fois par semaine, la Bolivie présente l'avantage de ne jamais descendre en dessous de 3500 mètres d'altitude. Carlos peut à nouveau retrouver le plaisir des routes plates & nous celui d'avoir la tête dans les nuages.

 

Nous effectuons nos dernières provisions en bord de route sur ces petits stand tenus par des boliviennes aux longues nattes leur tombant sur le bas du dos. Du pain, à vrai dire, 10 petits pains pour 50 centimes le tout. Ai-je bien compris ? Il faut croire que oui. Ludo, dans le combi me fait signe. Prends ! Des fruits, des gâteaux. De quoi tenir. Nous partons randonner. 

 

Et ces dames qui regardent notre Carlito l'air amusé. Comme d'habitude, notre petit bus orange a du succès, sur les bords de route. 

 

"Vous venez d'où ?

 

Nous sommes Français

 

Et tu es venue de France avec l'auto?

 

Non, nous l'avons acheté au Chili et nous voyageons depuis par le Pérou et la Bolivie.... "

 

S'ensuit une discussion sur le combi, le voyage, la vie. 

 

COMBI = CAPITAL SYMPATHIE.

 

Un poste militaire franchi, nous prenons la route, la même que celle prise par les camions roulant en direction du Chili. Oui, le parc du Sajama est le voisin du parc national De Lauca, son voisin chilien dont nous vous avions parlé quelques temps plus tôt. En réalité, nous y étions il y a déjà presque deux mois.

 

Bon sang... que ça passe vite.

Bon sang... que c'est bon.

 

Nous bivouaquons non loin de la route. Les paysages escarpés et les bas côtés en mauvais état ne nous permettent pas de nous aventurer avec le Combi. La nuit tombe. Le soleil disparaît derrière les montagnes laissant derrière lui ses couleurs rouge - orangées, le vent souffle par rafales. Plus aucun taxi, plus aucun camion. Les petites touffes d'herbes piquantes & dressées comme des aiguilles luttent pour ne pas plier, bien enracinées dans le sol. Après avoir contemplé un ciel étoilé à ne plus savoir en décrocher le regard, nous nous blotissons sous notre amas de couettes.

 

Bonne nuit Bolivie. 

 

Réveillés par les rayons du soleil. Vivre au rythme de la nature. Voilà notre quotidien depuis que nous avons quitté la France. 

 

Ce matin, le combi a encore gelé (oui, de l'intérieur, c'est plus drôle...). Nous commençons à avoir l'habitude et dans toute son intelligence, ma moitié a garé le combi de manière à ce que le soleil tape au bon endroit lorsqu'il pointra le bout de ses rayons. Un petit déjeuner de plus dans un endroit magnifique, en tête à tête avec la nature, avec les lamas et ce berger qui garde son troupeau tout en jettant quelques regards en direction de notre petit bus orange. Nous restons assis au bord du combi, nous regardons les lamas, les montagnes qui nous entourent, les paysages, bref, nous savourons. 

 

Nous franchissons l'entrée du parc national du Sajama en milieu d'après midi & nous sommes maintenant au pied de ce géant, de celui qui impose le respect dû au simple fait qu'il dépasse tous les autres. Le point culminant de Bolivie, c'est lui. Ici, on ne trouvera pas plus haut.

 

Sajama : 6542 mètres de pierre, de neige, de glace, de beauté. Rien que ça. S'il vous plaît, Môssieur.

 

A l'entrée du parc, nous signalons notre présence sur le registre. Pour des raisons de sécurité, il faut en effet indiquer le temps de notre escale dans le coin et le but de notre visite. De la simple randonnée ne pose aucune difficulté mais si nous préparons une ascension il faut le signaler. Et notre constat est simple : il n'y a pas foule dans le parc. On aura la paix !

 

Nous demandons ensuite à rencontrer celui qui sera notre futur guide : Mario ! C'est en faisant des recherches sur Internet que nous avons lu quelques commentaires le recommandant. Nous décidons de discuter avec lui de la possible ascension du Parinacota, l'un des volcans du parc culminant exactement à 6300 mètres. Il y en a bien un qui monte un peu moins haut, son voisin le Pomerape (6200 mètres) mais en réalité son ascension est techniquement plus difficile. Le Parinacota monte certes plus haut mais reste plus accessible. 

 

Cela étant, grimper à 6000 mètres ne s'improvise pas. Nous vivons maintenant à plus de 4000 mètres depuis plus de trois semaines et si l'acclimatation a été pénible au tout début, nous ne présentons plus aucun signe de mal des montagnes. Mario nous propose donc de profiter du parc les deux prochains jours et de faire l'ascension du Parinacota ensuite. 

 

Nous passons donc deux jours à vadrouiller dans ce petit paradis, à admirer ces volcans aux sommets enneigés. Clairement, ils donnent tous envie ! Entre flamands roses, lamas, alpagas et vicugna, lagunes, geyser & surtout eaux thermales à ciel ouvert avec une vue directe sur le Sajama, ce parc est désormais notre chouchou.

 

Nous (re)tombons amoureux. 

 

Mario nous autorise à nous garer juste derrière l'auberge tenue par sa femme pour profiter de la douche. Cette semaine, c'est fête. 

 

Sur la route & grâce à notre petit bus orange, nous rencontrons deux français devenus depuis amis voyageurs, Céline & Vincent. Un baptême en combi plus tard, nos deux frenchy se joignent à nous pour l'ascension du Parinacota. Le contact est bon, Vincent & Céline sont des montagnards et ont déjà quelques sommets à leur actif. Ils ont un côté rassurant & prévenant. J'aime beaucoup. Nous passerons quelques jours ensemble au pied du Sajama. 

 

Dans ce petit village perdu au milieu des montagnes où les âmes semblent s'être envolées, il fait bon de trouver un peu de compagnie. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"aujourd'hui, c'est juste un gros terril... "

***

 

Rendez-vous était donné à 1h du matin. Couchés à 22h, il m'est bien difficile de trouver le sommeil. Je sens déjà mon estomac qui se noue, de ces noeuds que j'ai eu pendant de nombreuses années les jours d'examen, de ces noeuds qui se forment quand votre corps veut vous rappeler que vous êtes anxieux.

 

Depuis notre arrivée en Amérique Latine, l'objectif de monter à 6000 mètres se concrétise. Nous en parlions déjà depuis quelques mois. Mais nous n'avions jamais été aussi proches d'eux, ces volcans enneigés que l'on admire maintenant depuis deux mois, peu importe où. L'envie est bien là. Elle ne nous lâche pas.

 

Nous qui sommes sportifs, qui aimons la nature, courir, crapahuter, grimper, nous qui aimons.... pardonnez moi.... mais en chier ! Nous sommes de ceux qui aimons nous lancer des défis et qui enrageons lorsqu'on y parvient pas. Nous sommes de ceux qui n'aiment pas devoir rennoncer. Pourtant, demain, il ne va pas falloir la jouer comme d'habitude. Il va falloir reconnaître ses limites et les accepter. Car une ascension comme celle-ci réalisée en une journée défie toutes les lois de la Nature en terme d'ascension. Oubliés les paliers, oubliés les 500 mètres par jour au delà de 3500 mètres....

 

Demain, nous partons avec le 4x4 de Mario depuis le village Sajama qui se situe à 4200 mètres. Nous montons jusqu'au refuge à 5100 et de là nous grimpons à l'aide de nos cuisses jusqu'à 6200. Bref, demain on oublie tout. 

 

Le lendemain matin, nous sortons du Combi alors qu'il fait nuit noire. La lune illumine le Sajama qui veille sur nous depuis maintenant trois jours. Au loin, dans l'obscurité, nous devinons le Parinacota et je lui lance alors un petit message, rien qu'à nous.

 

"S'te plaît, sois cool avec moi aujourd'hui...". 

 

Nous ne comptons plus les couches d'habits sur nous. En réalité, je crois qu'on a mis tout ce qu'on avait dans les sacs. C'est sûr, aujourd'hui, on a pris quelques kilos !

 

Je suis incapable de manger quelque chose. Tout simplement car mon organisme ne comprend pas ce qu'il lui arrive à 1h du matin alors que ma moitié semble en forme, comme à son habitude. Je soupçonne tout de même une once de stress, bien cachée...

 

Rassurant, il me lance : " Aujourd'hui, c'est juste un gros terril...." . Je comprends que je ne suis pas la seule à angoisser. 

 

Nous prenons la route dans le 4x4 de Mario avec Céline & Vincent. Les frontales éteintes, nous sommes assis en silence, tous emmitouflés dans nos doudounes, à moitié endormis, à moitié stressés, à moitié excités.... Bref, un cocktail d'émotions assez explosif... enfin pour moi, surtout. Nous approchons les 5000 lorsque je commence à être malade. Ayant l'habitude des noeuds à l'estomac, je pense alors au stress et à la pression que je me mets sûrement toute seule. Un petit tour dehors et tout va mieux. 

 

Nous reprenons la route. 

 

Il est 2h30 du matin, nous sommes arrivés au refuge, à 5100 mètres.

 

Rebelotte. Malade. Cela doit être un reste de stress.... Armés de nos frontales, nous mangeons un bout pour ne pas partir le ventre vide. Cela devient difficile d'enlever les gants car il commence à faire froid. Tout le monde va bien. Ma moitié n'a pas l'air malade. Pas de maux de tête, rien. Tant mieux. Céline & Vincent sont quant à eux frais et prêts à partir. L'ambiance est aux préparatifs. Chaussures, bâtons, bonnets, cache-cou, gants etc... la totale.

 

"On est pas là pour se mettre la pression, ok ?" me lance ma tendre moitié, qui sent bien que quelque chose cloche. Le problème, c'est que là, je ne suis plus stressée. Je ne sens plus ce noeud à l'estomac qui a disparu depuis notre premier arrêt. Cette fois-ci je suis malade, j'ai la nausée et clairement, ça s'enchaîne sans que je comprenne ce qu'il se passe en moi. J'ai la tête qui tourne

 

Je décide de partir, il m'est forcément difficile de me faire à l'idée de rester au refuge. Nous entamons la montée et rapidement, je retombe malade. Nausée, tête qui tourne, étourdissements. Je continue, ça va bien finir par passer. Mais 5 minutes après, il me faut me rendre à l'évidence. Je suis à nouveau malade. Et à ce stade, ce n'est plus le stress. Mario, notre guide, me redescend à la voiture alors que les larmes me montent aux yeux. Je quitte Ludo et nos deux montagnards plus que déçue, les yeux remplis de larmes et la tête qui tourne. Moi qui tenait à ce que nous fassions cette ascension à deux, à ce que nous le partagions, il n'en sera rien. Et je vais mettre au moins 4 ou 5 jours à m'en remettre moralement. A l'heure où je vous écris ces quelques lignes, pour être honnête, je suis toujours terriblement déçue (et je compte bien y retourner un de ces quatre pour prendre ma revanche....).

 

La haute montagne est un milieu hostile pour lequel le corps humain n'a pas été créé. Le mal des montagnes ne se prévoit pas. Il peut toucher tout le monde, sportif ou non. Comme me l'expliquait Vincent, il avait effectué un autre sommet quelques semaines auparavant et avait été touché par ce mal des montagnes à 5800 mètres. Cette fois-ci, il n'a rien eu. Cela dépend de votre fatigue, de votre sensibilité le jour de l'ascension et ... de beaucoup de choses réalité.

 

IMPREVISIBLE.

 

Bref, je suis donc redescendue au refuge où j'ai continué à être malade tout en pensant à la belle et petite équipe que j'ai abandonné. Tout en espérant que tout se passe bien pour eux et qu'ils aillent là-haut prendre ma revanche. 

 

Notre team de choc est redescendue entre midi et 13 heures. Je retrouve ma moitié vidée comme je ne l'ai jamais vue. Il est poussiereux et semble exténué. Céline & Vincent, plus habitués à ce type d'ascension, semblent frais. Epatant. Sans vous parler de Mario, pour lequel le Parinacota n'est qu'une promenade de santé !

 

Après avoir suivi un "chemin" menant entre les deux volcans, notre team a bifurqué à gauche pour attaquer l'ascension du volcan en lui-même et les choses sérieuses ont commencé. Ma moitié me confie alors qu'à 5400 mètres, il a failli abandonner. Trop dur, plus de respiration, plus de jambes, il n'avançait plus. Le coup dur de l'ascension. Il s'est alors fixé 5600 mètres pour objectif. Puis 6000. Et puis finalement, l'esprit d'équipe se met en place, les premiers tirent le reste de l'équipe, le sommet apparaît et à ce moment là, il n'est plus question d'arrêter. Je vous disais, on a du mal à renoncer. L'histoire se complique lorsqu'ils arrivent sur des petits monticules de glace, irréguliers et formés par le vent. Ils ralentissent davantage la progression. Finalement, ma moitié me confie qu'il fallait bien arriver en haut pour nous deux, pour que je sois fière de lui et qu'il m'y emmène au moins par la pensée (oui... c'est beau et j'en suis contente). 

 

Une fois arrivés au sommet, notre team a de quoi être fière et le panorama est tout simplement sublime. Vue sur le Pomerape, sur le Sajama, sur le parc entier. Difficile de décrire ces émotions (surtout quand on y était pas...). Mais à coup sûr, cela devait être magique. 

 

Et puis, pour ne rien vous cacher, j'ai eu droit à une photo rien que pour moi et celle-là, elle m'a vraiment fait plaisir.

 

 

 

 

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