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Comment expliquer...

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Le retour, avec mes tripes

 

 

***La Serena, Chili, le 15 octobre 2015...

 

Après avoir passé toute la journée à vadrouiller en ville pour réparer encore une fois Carlito, je profite de la fin d’après-midi pour traîner le long de la plage, admirer pêcheurs et pelicans, pour regarder les lumières s'allumer tout doucement, contempler le ciel qui change de couleur à mesure que le soleil se couche, contempler la Croix scintiller au loin, une Croix comme on en voit dans toutes les villes d'Amérique Latine, grande, imposante et respectable. Mais surtout, je prends le temps de méditer sur mon voyage. Sur ces douzes derniers mois.

 

C’est bientôt la fin de cette année de voyage: notre avion décolle dans quelques jours. Nous rentrons en France, mais assurément, nous rentrons avant de repartir vers de nouvelles aventures. Qui peut savoir où et quand sera la prochaine fois que nous pourrons à nouveau lézarder sur les plages de l’Océan pacifique, regarder le soleil se lever en Afrique et se coucher en Australie.

 

Santiago du Chili, le 3 août 2015 … C’était il y a deux mois et demi. Je nous revois débarquer de l’aéroport à 2h du matin comme si c’était hier… récupérer les sac-à-dos, terminer notre nuit dans les couloirs en attendant que le jour se lève puis trouver le bon bus, demander le chemin dans une langue alors inconnue pour moi… Ce n'est pas encore l'heure du bilan... Pour l’instant je profite de ces derniers mois sur le continent sud-américain car après tout, un dernier chapitre est encore à écrire.

 

En réalité, lorsqu'on voyage, le temps ne passe pas si vite… Voyager, c’est comme ralentir le temps. Prendre le temps... de prendre le temps. L’absence de routine et de quotidien nous amène à profiter pleinement de chaque journée. L'idée de ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain nous pousse constamment à savourer le moment présent. On ne se retrouve pas en fin de semaine en se disant… « tiens, je n'ai pas vu la semaine défiler ».

 

Voyager, c’est remplir sa vie. Voyager, c'est rendre ses journées toutes aussi riches les unes que les autres. Car voyager, c'est également être conscient à quel point le voyage est enrichissant.

 

Le voyage est à consommer sans modération.

 

« Le vrai voyage, ce n'est pas de chercher des nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux »

Marcel Proust

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***Quelque part entre Santiago et Paris, 10.000 m d’altitude...

 

Ca y est, nous sommes en route pour Paris, avec un petit stop prévu au Panama, à Santo Domingo, puis Francfort …

 

On a toujours un peu peur de rester en rade à l’aéroport… Tout se passe toujours bien jusqu’au passage de la frontière. Vous savez, ce moment où le douanier feuillette notre passeport à la recherche du fameux tampon d’entrée dans le pays… Le souci, c’est qu'on commence à avoir une belle collection de tampons… Alors pour trouver le bon, ça peut prendre du temps…

 

Parfois, le douanier s'énerve car il ne trouve pas ce tampon... « Trouvez moi le tampon » qu'il me dit... Eh oui Monsieur, désolée mais cette année j'en ai eu un paquet, faut pas m'en vouloir. Et puis, quand même, il est bigleux ou quoi ?!

 

Puis, vient ce petit moment d'adrénaline où on espère que l'autre douanier, lui, celui qu'on a croisé il y a un mois à l'entrée du pays, n'a pas oublié de nous le mettre, son coup de tampon ! On espère ne pas être le boulet de service qui aurait voyager clandestinement sans le savoir.

 

L’officier pianote ensuite frénétiquement sur son ordinateur… et viens le soulagement, Ouf ! On peut quitter le pays. Pendant un quart de seconde, on pense à la Nouvelle Zélande et on espère ne pas avoir de PV non payés sans le savoir...

 

En réalité, après tout, ça ne m’aurait pas déplu de rester coincée ici… Ca fait vraiment bizarre de rentrer en France… Bien sûr, je suis contente à l’idée de revoir les parents, mes amis & ma famille adorée… Mais je quitte avec grands regrets ce monde du voyage, ma vie de nomade. Tellement d’endroits que je n’ai pas eu le temps de voir. A commencer par la Patagonie et la Terre de Feu ou même Buenos Aires sans avoir pu m'initier au tango. Je pensais qu'on aurait le temps de descendre jusqu'au bout du monde, mais nous sommes restés plus longtemps que prévu au Pérou, idem pour la Bolivie, et comme dans tous les voyages nous avons fait des choses qui n’étaient pas prévues… Résultat, nous n'avions plus le temps de découvrir la Terre de Feu… Tant pis, nous reviondrons… Quand, je ne sais pas, mais nous reviendrons, ça c’est sûr…

 

Pour l’instant d’autres horizons m’appellent… Le retour en France sera l'occasion de voyager à nouveau dans notre beau pays, de recharger les batteries et notre compte en banque. Le temps de préparer d'autres projets... La route de la soie ? Le tour de l'Afrique ? Partir de l'Alaska pour rejoindre cette terre tant attendue qu'est la Patagonie ? Traverser la France à vélo avec notre chienne ? Pourquoi pas, tout est possible... Tout est envisageable.

 

Comme je l'ai souvent lu en Amérique Latine :

Querer es poder.

Vouloir c'est pouvoir.

 

 

« Il n'y a d'homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie »

Lamartine

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***Dans un coin perdu de France, quelques semaines après être rentrée...

 

Lorsque j'ai commencé à glisser l'idée d'un tour du monde, d'un voyage au long terme, il y a eu ceux qui ont voulu me décourager. Ceux qui ont tenté de me détourner de ma quête. Il faut trouver un travail stable, faire des enfants, se construire une vie. En fait, il faut faire beaucoup de choses. Et puis il y a eu ceux qui le savaient, parfois même bien avant que je l'annonce officiellement. Ceux-là sont de ceux qui souffrent de vous voir partir mais qui vous laisse faire, par amour.

 

En réalité, lorsqu'on sait que nous avons en nous cette âme nomade, peu de choses peuvent nous écarter de notre chemin. Le temps peut évidemment nous mettre quelques barrières. Mais inévitablement, nous les franchirons un jour. Car c'est en nous. Nous n'entendons pas ceux qui nous découragent. Nous ne voulons pas les entendre et encore moins les écouter car nous savons, vous savez, que pour rien au monde nous échangerions nos vies.

 

Nous, voyageurs, nous savons que cette vie de nomade nous comble, nous fait vivre, nous fait vibrer et par conséquent, nous rend heureux. Et vous le savez.

 

Mais alors, comment expliquer  ?

 

Comment expliquer que l'inconnu nous envoie tous les jours des messages de bienveillance, que l'improvisation nous met sur le chemin de gens formidables que nous croisons parfois à la vitesse d'une étoile filante, parfois pour quelques jours ou quelques semaines mais peu importe le temps de la rencontre, elles nous rappellent toutes pourquoi vous voyageons & nous donnent confiance en l'humanité.

 

Voyager, c'est rencontrer des gens et les quitter aussi rapidement qu'on les a rencontrés, découvrir constamment de nouvelles cultures, c'est accepter de vivre un espèce de concentré d'expériences extraordinaires qui risquent de nous bouleverser, de nous transformer, de nous remettre en question quotidiennement. C'est accepter de donner et de recevoir une parcelle de vie de notre voisin d'un soir, de s'enrichir réciproquement, d'apprendre.

 

« Lorsqu'on se baigne dans ce langage, il est facile de comprendre qu'il y a toujours dans ce monde une personne qui en attend une autre, que ce soit en plein désert ou au cœur des grandes villes. Quand ces personnes se rencontrent et que leurs regards se croisent, le passé et le futur sont désormais sans la moindre importance, seul existe ce moment présent »

Paulo Coelho, l'Alchimiste.

 

Voyager autour du monde c'est accepter d'avoir entre les mains la possibilité de poser le pied où on veut. C'est penser à tous ces jours passés devant un globe à contempler ces immensités, à chercher des noms de villes, à se demander où on pourrait bien aller... C'est tellement grand. Voyager autour du monde c'est ENFIN ressentir ce sentiment de liberté. C'est décider d'aller ici ou là, de se laisser porter par les rencontres, par le temps, la possibilité de rester à tel endroit quelques jours, un mois ou un an. Voyager autour du monde, c'est pouvoir écouter cette petite voix intérieure sans se poser plus de questions.

 

Comment expliquer que voyager me permet de sortir de cette surconsommation, de cette société qui m'oppresse. Qu'en vivant tout ça, je ne ressens plus le besoin constant de refaire ma garde-robe, que je me sens perdue dans les magasins, qu'aller à Ikéa signifie pour moi s'encombrer de choses futiles et inutiles. Que je me fou des dernières technologies car elles ne me procureront jamais le bonheur et la liberté que j'éprouve lorsque je voyage.

 

Comment expliquer que vivre avec peu n'est pas vivre malheureux. Que bien au contraire, on arrive à apprécier la simplicité de la vie. Comment expliquer que les meilleurs souvenirs de mes voyages ne sont pas ceux que j'ai acheté mais ceux qui m'ont été offerts car ils sont pour moi les plus précieux... Qu'ils me rappellent quelqu'un qui m'a beaucoup apporté humainement, un soir, dans un village, qu'ils me rappellent un sourire, un visage, une personne... Quelqu'un qui m'a accordé de son temps.

 

Comment expliquer que voyager n'est pas dangeureux et que je ne me suis jamais sentie en insécurité pendant un an alors qu'à mon retour, l'état d'urgence est décrété dans mon pays car des malades tirent sur tout ce qui bouge.

 

Aujourd'hui, voyager et profiter du moment présent sont à mon sens bien plus importants que d'économiser pendant des années « pour plus tard... » . Je préfère écouter ma grand-mère qui me dit du haut de ses 88 ans d'en profiter à fond car la vie passe trop vite et que si elle avait su...

 

Aujourd'hui, je suis rentrée en France et même si cela n'a rien à voir avec le bonheur que j'ai à retrouver mes proches, mon corps et mon esprit n'attendent qu'une chose : le prochain départ. Les prochaines émotions. Les prochaines découvertes. A peine rentrés, ils sont dans les starting block. Non, je n'abandonne personne. Bien au contraire, pendant un an j'ai porté famille et amis dans mon cœur encore plus que lorsque je suis en France. Et mon seul regret est de ne pas pouvoir les mettre dans ma poche pour leur montrer que voyager, c'est s'habituer aux différences.

 

Aujourd'hui, mon regard sur notre quotidien a changé. Je ne juge rien ni personne car je sais que la vie va inévitablement m'y ramener. Mais lorsque je regarde où part notre argent : les soirées arrosées, l'alcool, les cigarettes, les restau, le carburant, l'abonnement internet, le téléphone et finalement toutes les petites dépenses inutiles du quotidien, tous ces trucs qui prennent la poussière, je me dis que ce qui coûte cher n'est pas le voyage mais bien d'être sédentaire.

 

Je sais aujourd'hui que je ne vais pas attendre la retraite pour en profiter. Le travail ? On m'avait dit avant de partir « mais comment tu vas faire pour trouver un emploi en rentrant après une année de coupure ?? » En un mois, j'en suis à trois entretiens. Alors à toi futur voyageur, si j'ai bien un conseil à te donner aujourd'hui c'est celui de n'écouter que toi-même, tes envies, ton corps et ta petite voix intérieure.

 

Voyager n'est pas une fuite. A ceux qui me demandent « Mais que cherches-tu à fuir » j'ai bien envie de répondre « Et toi, pourquoi tu ne pars pas ? ». Pourquoi préférer se payer le dernier téléphone ou la dernière voiture au lieu d'aller embrasser le monde. Il peut y avoir autant de raisons de vouloir rester que de vouloir partir. Et puis, même si le voyage peut être une fuite pour les uns au même titre que d'autres se posent dans leur canapé en mangeant du chocolat ou font du yoga, so what ? Où est le problème ? On a tous besoin d'évasion, chacun à sa manière...

 

Comment expliquer quand on me demande « Et le retour, pas trop dur ? » que cela fait partie intégrante du voyage car le choc peut être plus violent quand on rentre chez soi que lorsqu'on débarque fraichement dans un pays encore inconnu ? Comment expliquer que je peux avoir du mal à me sentir « chez moi » en France quand, après avoir voyagé pendant un an sans jamais avoir eu de maison « à moi », jamais je ne me suis sentie seule et à la rue. Comment expliquer qu'il peut être difficile de revoir certains amis que je connais depuis toujours quand ça a pourtant été si facile de m'en faire aux quatre coins du monde.

 

Comment expliquer que ma drogue à moi, c'est ça.

 

Comment t'expliquer à toi, que voyager seule n'aurait jamais pu avoir la même saveur que de vivre ce voyage d'exception à tes côtés. Comment t'expliquer que je n'aurai jamais assez de Merci à t'adresser pour m'avoir accompagnée, pour m'avoir dit immédiatement « je te suis ». Comment t'expliquer que ce rêve je ne l'imaginais pas se réaliser sans toi et qu'il nous a apporté des richesses inestimables qui n'appartiennent aujourd'hui qu'à nous. Que pendant un an, je n'avais ni toît ni maison mais qu'à nous deux, nous étions notre cocon. Que ce voyage nous a révélé l'un à l'autre après 7 années d'amour. Qu'il n'y a eu aucune mauvaise surprise. Que ce n'est que du bonheur, que ce bonheur je l'ai embrassé pendant un an et que je compte bien faire en sorte que ça continue (comment t'expliquer que toi aussi, tu as plutôt intérêt à faire en sorte que ça continue lol)... Qu'un jour, nous repartirons, peut-être plus nombreux... qui sait... et nous pourrions continuer à vivre notre passion en tentant de la transmettre. Comment t'expliquer ...

 

Alors à toi futur voyageur encore en sommeil, un petit conseil : Lève toi et roule ma poule. La vie ne t'attendra pas.

 

Amélie

 

 

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