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Déception en «Terre Inconnue »

 

***

 

Ou pourquoi vaut-il mieux ne pas prendre de billets d'avion pour la Namibie

juste après avoir regardé Muriel Robin chez les Himbas

 

 

 

On a tous bavé devant des émissions télés type Arte nous emmenant dans des pays à l'âme sauvage, des destinations lointaines ...

 

Et puis, au-delà du reportage sur Arte, il y a eu cette émission.

 

Au début, j'aimais beaucoup, j'adorais même. Je les ai tous vus les épisodes où notre beau Frédéric emmène nos VIP dans des contrées lointaines ... Ça nous fait rêver et on aime ça.

 

Après tout, c'est bien le but de ces émissions, non ? Nous vendre du rêve ...

 

Et puis peut-être, sûrement à tort, je me suis forgée un idéal et une image tirée de l'expérience de notre « Muriel nationale ». Après tout, pourquoi seraient-ils différents alors qu'en plus, avec moi, il n'y aura pas de caméra ...

 

Lorsque je suis arrivée en Namibie, cela faisait huit mois que nous avions quitté la France. Deux mois en Océanie, quatre en Asie puis six semaines en Afrique du Sud. Désormais, la Namibie s'ouvrait à nous.

 

Nous voyageons avec un esprit simple, comme beaucoup de voyageurs rencontrés sur la route : celui de rencontrer des locaux, les habitants qui font que leur pays est ce qu'il est. En Asie, les voyageurs qui s'y sont déjà aventurés, savent qu'il n'y aucune difficulté à rencontrer des gens. Tout le monde est là, prêt à vous accueillir le sourire aux lèvres. Les enfants vous disent bonjour, vous font signe de la main et vous font vous sentir bien alors que les adultes vous invitent à boire un thé.

 

Partage et échange sont aisés et c'est agréable et enrichissant à la fois.

 

En Namibie, les rencontres sont rares, même très rares. Le pays est désertique.

 

La Namibie, c'est à peine trois millions d'habitants pour un peu plus de 800 000 km2. Bref ! Pas grand monde me direz vous !

 

Le pays est assez connu de nous, petits français, depuis qu'il a largement été médiatisé par Frédéric qui, un jour, décida d'emmener notre Muriel chez les Himbas et de nous faire baver devant notre petit écran (même qu'à la fin, toutes les filles ont tiré leurs larmichettes … si si, moi la première !)

 

Alors, est-il encore nécessaire de vous les présenter ?

 

Vraiment, au cas où : Le peuple Himba est originaire du nord de la Namibie. On en compterait selon les sources entre 10 000 et 50 000 vivant sur sol namibien ou angolais. Leur particularité est d’être originellement un peuple nomade de chasseurs-cueilleurs, bien qu’aujourd’hui, ils soient pour la plupart sédentarisés dans des villages avec leurs troupeaux de chèvres. Ce qui les rend si populaires aux yeux des visiteurs, c’est bien sûr leur aspect physique. Leur peau rouge, enduite d’un mélange de graisse et d’ocre pour se protéger du soleil, des moustiques et de la saleté, mais encore leurs coiffes impressionnantes en corne ou en peau de chèvre, et enfin les seins nus des femmes. Leur tenue, leur allure, leur fierté, les rendent si photogéniques ! Une femme Himba est spectaculaire en photo, et cela, les acteurs touristiques de la région l’ont bien compris et l’exploitent autant que possible.

 

Lorsque vous souhaitez rencontrer les Himbas alors que vous arrivez depuis l'Afrique du Sud, il faut traverser tout le pays et les lignes droites qui vont avec. Car les Himbas vivent majoritairement dans le Kaokoland et le Damaraland. Autrement dit, ça se mérite !

 

Une fois arrivés à Opuwo, nous avons rencontré des Himbas en ville, faisant leurs courses comme nous, mais nous les avons également vu au Liquore Store du coin, ressortir avec des bouteilles d'alcool. Mais, comme nous venions fraîchement d'arriver, nous ne voulions pas porter de jugement hâtif.

 

Initialement, nous avions prévu de nous rendre dans un village avec un guide local. Nous avions lu et rencontré des français qui en étaient très contents et qui nous avaient expliqué avoir amené de la nourriture avec eux en plus d'avoir rémunéré le guide. Échange de bon procédé : « tu viens dans mon village mais tu m'apportes de la nourriture ! ». En soit, pas de soucis.

 

Mais étant arrivés un dimanche, l'office était fermé. Pas grave, nous montons jusqu'aux Epupa Falls à la frontière avec l'Angola et en revenant dans quelques jours, nous y retournerons.

 

Eh bien, pour être franche, je ne regrette absolument pas d'être d'abord allée jusqu'à ces chutes d'eau. En effet, elles nous ont permis de nous rendre compte de la réalité et des conséquences néfastes du tourisme auprès des Himbas et nous ont fait changer d'avis en l'espace de 200 bornes et 4 heures de route.

 

Une seule piste mène aux Epupa Falls, celle-ci longe des villages Himbas. En conséquence, sur 200 kilomètres vous rencontrez hommes et femmes en tenue traditionnelle avec les coiffes, les peaux de chèvres etc. C'est vrai qu'ils nous font rêver ! Ils sont beaux, ces Himbas ! Je suis vite impressionnée.

 

Ils nous font rêver ... oui mais jusqu'à ce que nous rencontrions nos premiers moments de solitude.

 

Les premiers enfants que nous recontrons se mettent au beau milieu de la piste pour arrêter la voiture. Là, me direz-vous, pas besoin d'aller en Namibie pour connaître cette situation. Dans d'autres pays d'Afrique aussi, ça arrive.

 

Alors que j'ouvrais légèrement ma vitre, deux enfants s'agrippent à celle-ci, regardant avec insistance tout ce qu'il y a à l'intérieur de la voiture (encore une fois, voilà l'intérêt de ne rien avoir de valeur dans l'habitacle) et nous réclament des bonbons. Ah bah désolée mon ptit, mais on en a pas des bonbons et puis franchement, demandé comme ça, ça donne pas vraiment envie de t'en donner. Bref, après quelques minutes nous décidons de repartir alors qu'ils essaient d'ouvrir les portes arrières. Solitude, je vous disais.

 

Mais ça ne sera qu'un commencement, ami lecteur, et c'est pour ça que je me permets d'écrire ces quelques lignes. Mon but n'est pas de porter un jugement de valeur sur un peuple qui a subi et subit encore des mauvais traitements. Nous savons tous que l'Afrique a un lourd passé colonial qui a laissé des cicatrices énormes. La Namibie, après tout, n'est indépendante que depuis 1994 ! En plus de ça, les Himbas sont maltraités par les Namibiens et assez mal perçus.

 

Mais tout de même, ce que nous avons vécu ces jours là ne peut être légitimé aux yeux du colonialisme ou de la pauvreté. Bref ! Je reprends :

 

Après avoir laissé nos deux jeunes garçons derrière nous, nous nous éloignons d'Opuwo pour nous enterrer dans les terres. Je pense alors, naïvement, que les Himbas que nous rencontrerons seront davantage préservés des méfaits d'un tourisme mal géré.

 

Nous croisons des femmes Himbas sur les bas-côtés de la route qui nous tendent la main, le regard complètement vide. « Donne moi quelque chose ! Give me dollars ! » L'une d'entre elles restera allongée sous son arbre, tendant le bras vers nous sans même nous regarder.

 

Et puis il y a eu ce berger avec ses chèvres en plein milieu de la piste. Pendant 10 minutes nous sommes restés derrière, attendant patiemment qu'il fasse bouger son troupeau. On ne voulait pas faire fuir ses bêtes alors qu'il venait probablement de toutes les rassembler. Non, bien sur... alors nous avons attendu mais nous nous sommes rapprochés quand même, pour dire « eh oh l'ami, on est là quand même, depuis 10 minutes et ne fais pas semblant de ne pas nous avoir vus ! » Mais en tournant la tête, il nous a bien fait comprendre qu'il s'en fichait et son regard n'était pas vraiment plein de sympathie envers nous... C'est alors que deux jeunes à dos d'ânes sont arrivés près des fenêtres, nous tendant la main pour qu'on leur donne quelque chose. Le regard vide. Solitude, again and again...

 

Va t-on perdre foi en l'Humanité en Namibie ?

 

Et sur 200 kilomètres, ami lecteur, c'était comme ça ! 40 fois, peut être plus, nous aurions pu nous arrêter. Jamais nous n'avons eu un sourire, jamais nous n'avons entendu un bonjour, jamais un enfant ne nous a fait signe. Mais à la place, nous avons eu des regards complètement vides, des regards qui nous ont dit « on se fout de votre présence, on ne cherche pas à faire connaissance et on se fiche de vous, donnez nous de l'argent c'est tout ! ». À la place, on nous a lancé des cailloux ! Oui, des cailloux, vous avez bien lu !

 

A la télé, ils avaient l'air pourtant si différents, si doux et avides d'échanges. Elle a quoi Muriel de plus que nous, à part le compte en banque et TF1 derrière elle.... ? Ah bah oui mais ça, ma p'tite, ça fait apparemment toute la différence...

 

Alors je n'ai pas besoin de vous l'annoncer : ça a été la série de questions dans ma p'tite tête de touriste. C'est pas que de la fumée en sortait, mais presque... Ça a chauffé ! Quand on voyage, il faut assumer sa place de touriste et de « blanc ». Mais ce n'est pas toujours évident. On a tous connu des moments de gêne, voire même de honte. L'image du « blanc », du riche, il faut aussi l'assumer. C'est ce que nous sommes, nous voyageons et nous avons de l'argent. Pas au point de s'arrêter tous les kilomètres pour vider la voiture, mais ça, ça me paraît complètement surréaliste d'essayer de leur expliquer. Alors on peut-être gêné mais il ne faut pas avoir honte non plus. Tant qu'on étale pas notre richesse sans gêne, bien entendu...

 

Mais il faut surtout prendre conscience d'une chose (enfin, en réalité, de plusieurs choses) mais disons qu'à mes yeux, la plus importante est celle-ci : si ces gens se comportent comme ça avec nous aujourd'hui, c'est notre propre faute, à nous, touristes.

 

Petite mise en pratique : en revenant sur nos pas pour Opuwo, nous avons doublé un couple de touristes, comme nous, un jeune couple, arrêté en train de prendre des photos d'un berger et de son troupeau. C'est vrai que ses photos seront sûrement très belles. C'est vrai que sur le coup, je l'ai même un peu envié.

 

Mais lorsque le berger est arrivé à leur hauteur, j'ai vu un billet passer de main en main. Et là, j'ai eu envie de hurler. J'ai senti que ça montait en moi, ce sentiment que ce Monsieur, contre qui je n'ai rien de personnel, n'a vraiment rien compris. OK ! Ce que j'écris n'engage que moi. Et je sais déjà que cela déplaira à certains. Mais tantpis. Non ce n'est pas, à mon sens, une bonne idée que donner de l'argent en échange d'une photo. Le problème n'est pas le montant, mais bien le principe. On croit bien faire, qu'avec ce billet il ira s'acheter à manger. Ok, sauf que primo, nous sommes à 100 kilomètres de la première ville et à dos d'âne, ça fait un bout. Donc si vous pensez « nourriture » préférez donner directement votre bouteille d'eau ou votre paquet de riz ! Secondo, il faut aussi regarder autour de nous lorsque nous arrivons à Opuwo. Il faut observer (après tout, « réfléchir, c'est ouvrir les yeux et réfléchir un peu » non ?) Les Himbas vont certes faire quelques courses alimentaires mais je les ai vus bien plus nombreux au Liquore Store ressortir avec des bouteilles d'alcool et ça, amis touristes, amis voyageurs, c'est une réalité qu'on ne peut nier en donnant un billet et en se disant tout simplement qu'on a fait une bonne action pour dormir sur ses deux oreilles.

 

« Sois beau et tais toi, je te filerai un billet ! » Ça m'écoeure.

 

Il faut quand même remettre le tout dans un contexte historique : depuis quand les touristes viennent en distribuant des billets contre une photo ou en donnant des bonbons à des enfants qui n'ont aucun accès au dentiste ? Depuis des années, pardi ! Alors forcément, comment aujourd'hui leur en vouloir qu'ils nous voient comme des distributeurs ambulants ? Après tout, ça ce n'est pas leur faute, mais bien la nôtre.

 

Là où je n'accepte pas leur comportement, c'est au moment où ils deviennent agressifs. Alors que j'entends déjà « Oui mais ils n'ont rien, si tu n'avais rien toi, tu réagirais comment ? » À mon sens, cette agressivité ne peut être excusée par le « fardeau de la pauvreté ».

 

Combien sommes-nous à avoir voyagé à travers des pays aussi pauvres que peuvent l'être certains pays africains ? A quel constat aboutissez-vous ? Le mien est que jamais en Asie des enfants ne nous ont lancé des cailloux ni des adultes montré le moindre signe d'agressivité envers nous, que nous donnions ou pas quelque chose.

 

Pourquoi parler de tout ça ? Parce que je cherche des réponses, des avis différents afin d'échanger. Je me suis demandée si nous n'étions pas dans l'erreur en pensant ainsi, nous pour qui la vie est facile, si le jugement n'était pas trop rapide et simpliste. Peut-être l'est-il pour certains et il le sera sûrement. Mais lorsque je me rappelle mes deux mois passés au Niger, jamais je n'ai connu cette agressivité. Est-ce parce que le Niger est nettement moins touristique que ne l'est la Namibie ? Oh oui, des enfants m'ont demandé des bonbons, mais jamais on ne m'a lancé de cailloux si je n'en donnais pas. Et c'est bien là le problème.

 

Sans compter que les villages visités par les touristes sont de véritables zoos, ni plus ni moins. Le guide vous expliquera la construction d'un village traditionnel, les tenues, le pourquoi du comment. Les femmes seront exhibées comme des bêtes curieuses. Et lorsque vous ressortirez de la case qu'il vous fera visiter, toutes les femmes du village vous attendront en cercle avec leurs petits souvenirs à vendre. Et là que va t-il se passer ? Vous serez gênés car vous vous rendrez compte que cela coûte une fortune et que vous n'acheterez rien. Surtout après avoir remarqué le regard vide de ces femmes et de ces enfants qui vous regardent à peine parce qu'ils se moquent de votre présence et que, de toute évidence, ils ne cherchent absolument pas la rencontre.

 

Bref, vous quitterez sans doute ce village avec un arrière goût amer, enfin, si vous réfléchissez un peu, si vous ouvrez vraiment les yeux. Dans le cas inverse, vous serez contents et vous les trouverez « super chouettes ».

 

Voilà pourquoi nous n'avons aucune photo, amis lecteurs, car nous partons du principe qu'une photo doit avant tout nous rappeler de bons souvenirs, une rencontre, un échange, un partage, une relation. Or, ce n'est de toute évidence pas le cas. C'était humainement impossible.

 

Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu apporter pour 15 euros de nourriture dans un village, car l'argent ne sert pas à construire des puits ou acheter de la nourriture, mais à boire et sombrer dans l'alcoolisme.

 

On a eu qu'une seule envie, prendre nos clics et nos clacs et quitter la région.

 

J'ai quand même lu dans un guide que « Les Himbas ne connaissent pas la valeur de l'argent ». Alors soit je n'ai pas su activer mon second degré, soit... j'ai loupé quelque chose...

 

J'ai été très déçue de cette virée dans le nord du pays et cette expérience nous fait beaucoup réfléchir. De nature rêveuse et idéaliste, je rêvais de belles rencontres entre femmes à échanger tant que faire se peut sur les tenues, les cheveux et les secrets de beauté comme j'ai déjà connu ça auparavant. Je rêvais d'une rencontre, d'un échange, de quelque chose d'humain. Alors là, oui, j'aurais aimé immortaliser l'instant sur pélicule. Mais il n'en est rien !!

 

Encore une fois, le « Sois beau et tais toi que je te prenne en photo ! », ça ne nous intéresse pas.

 

Selon moi, le tourisme – mal géré – ronge ce peuple et cela n'ira pas en s'arrangeant car les tour-opérators ont bien compris qu'il y a un filon à exploiter.

 

Moi qui pense qu'on ne peut pas reprocher aux gens de vouloir accéder à davantage de richesse ou de confort, quitte à ce qu'ils abandonnent leurs tenues en peau de chèvre pour le « jean's », très bien... après tout qui pourrait leur en vouloir ? Sûrement pas nous !

 

Mais pour le coup, je pense qu'il serait plus bénéfique qu'on les laisse en paix. Après tout, ils ont un mode de vie ancestral et traditionnel de nomade. Si l'effet du tourisme peut profiter à certaines tribus qui arrivent à le gérer , cela n'est à mon sens pas le cas chez les Himbas.

 

La question est : les sortir du tourisme ne serait-il pas synonyme de les abandonner à la misère et la pauvreté ? Que faut-il faire : les amener dans notre société de consommation, les en éloigner, arrêter de visiter les villages ? Faut-il continuer à les filmer et les montrer au monde entier ? Est-il possible pour eux de maîtriser correctement le tourisme pour que cela leur soit bénéfique ?

 

Je reste bien consciente que certaines expériences peuvent être très enrichissantes sur le plan humain et qu'il ne faut pas généraliser ce que nous avons connu.

 

Mais il me semble que ces « zoos humains » se multiplient trop rapidement à mon goût à travers le monde...

 

Par cet article, je souhaite juste indiquer que les reportages télé ne nous montrent pas la réalité et que le tourisme chez ces peuples isolés soulève énormément de questions – auxquelles je n'ai pas les réponses.

 

Amélie

 

 

 

 

 

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